J'ai toujours éprouvé une fascination bizarre pour les aveugles. Pour les visages balafrés aussi. Comme s'ils avaient quelque chose de plus. Ca commence mal aujourd'hui, j'ai l'air d'une perverse qui aime la difformité. J'ai toujours voulu poser un tas de questions à quelqu'un qui est aveugle. Un tas de questions parfaitement inappropriées. Savoir bêtement de quoi ils rêvent la nuit. Comment elle marche, leur imagination. A la place des images, ils ont quoi ?
Chez les autres, ce que j'aime, souvent, ce sont leurs faiblesses. Leur fissure. J'ai pas envie de voir des masques tout lisses. Avec leurs faiblesses, ils sont complets, entiers et d'un seul coup beaucoup plus compliqués. J'aime essayer de comprendre comment tous ces petits morceaux de personne s'emboîtent et s'articulent pour fabriquer une poupée neuve à chaque fois. Mes faiblesses à moi, elles m'intéressent pas tellement finalement. Enfin que les jours de grand égoïsme.
Comment ça, tous les jours ?
Et puis, ça n’a rien à voir, mais : « Ce qui est bien la nuit quand tu t’endors dans le noir, c’est que tu peux penser à la femme que t’aimes, même si c’est pas celle qui dort à côté de toi. »
Je tourne en rond. J’ai l’impression de toujours écrire la même chose, de gribouiller les mêmes choses, de me cogner contre les murs. J’apprends mais je ne fais rien. J’ai envie d’hanter les théâtres, derrière. J’ai envie de fabriquer des trucs, de bricoler, de bidouiller, d’inventer. J’ai envie de déployer mes petits doigts. Il y a des fourmis dedans. J’ai envie d’être une de ceux-là, ceux qui en veulent, ceux qui impressionnent, ceux qui vont y arriver. Je ne me suis jamais considérée comme quelqu’un d’ambitieux. Ca veut dire que je ne le suis pas ? J’ai du mal à faire quelque chose qui ne me servira que dans dix ans. Ah c’est un soir sans courage aujourd’hui, un soir à pleurnicher. Une vraie fille, celle-là. Ca ira mieux demain. Promis ?
Je suis sûre que mêmes les ambitieux, les impressionnants, ils ont des soirs comme ça. Si on suit mon raisonnement enrobé de papier rose bonbon comme mes raisonnements savent si bien le faire, eux aussi ont des faiblesses. Allez petite fille, vis.